Poweo « Si vous ne signez pas, il y aura des représailles »

Publié le par jmw

Source : Humanité

 À Houdain, dans le Pas-de-Calais, plusieurs témoignages dénoncent les pratiques de commerciaux de Poweo pour faire signer des contrats d’approvisionnement en électricité. Houdain (Pas-de-Calais), envoyé spécial. Daniel Dewalle fouille désespérément l’amas de feuilles et de dossiers qui encombre son bureau.

En cette fin d’après-midi, le maire PCF d’Houdain, dans le Pas-de-Calais, ne sait plus où donner de la tête. « Ça y est ! Je l’ai ! » déclare-t-il, le sourire triomphant, en agitant la copie d’arrêté municipal par lequel il a interdit à la société de fourniture d’électricité et de gaz Poweo de faire du démarchage sur le territoire de sa commune. Arrêté qu’il défendra aujourd’hui devant le tribunal administratif en raison de la requête en annulation déposée par Poweo.

« Depuis que la radio et la télé se sont emparées de l’affaire, ça n’arrête pas ! » Entre deux rendez-vous avec des journalistes, l’élu a reçu le commissaire de police qui lui a annoncé que ses services allaient entendre les habitants qui se sont plaints auprès de la mairie.

Il faut aussi répondre aux coups de fil d’administrés inquiets de ne pas avoir encore reçu la confirmation de la résiliation de leurs contrats. À peine le temps de prendre connaissance des nombreux courriels et des courriers provenant de toute la France et lui dénonçant « des pratiques frauduleuses de commerciaux », qu’il lui faut répondre aux sollicitations d’élus d’autres municipalités qui lui demandent de leur transmettre une copie de son arrêté.

« Je ne pensais pas que ça provoquerait tout ce chambardement, explique-t-il. Au début, je pensais à un acte isolé. Je pensais à une indélicatesse de quelques VRP peu scrupuleux. Maintenant, je me demande franchement si ce n’est pas organisé et si, sans nous en rendre compte, nous n’avons pas mis le doigt sur un vrai scandale. »

Dans son petit appartement qu’elle peine à arpenter en s’appuyant sur ses béquilles, Valérie Florczyk se « fait du mauvais sang ». « Je n’ai pas reçu l’accusé de réception de ma demande de résiliation », explique-t-elle. Valérie accepte volontiers de raconter : « C’était le 5 janvier. Une femme a sonné. Elle s’est présentée comme étant d’EDF.

Elle a montré une carte avec sa photo mais ses doigts cachaient ce qu’il était écrit dessus. Elle a rangé sa carte et m’a dit qu’elle venait contrôler ma facture pour vérifier que j’avais bien profité de la réduction de 10 %. » Valérie obtempère et signe « tout un tas de papiers ». « Je touche une retraite de 1 000 euros par mois. Je paie un loyer de 500 euros. Chaque mois, j’ai pour 90 euros d’électricité alors, vous pensez bien que dans ces conditions, 10 % de réduction, ça ne se refuse pas ! C’est quand j’ai vu tous ces reportages à la télé et à la radio que j’ai compris que je m’étais fait avoir. J’ai pris peur et j’ai appelé la mairie. » « Dites, Monsieur le Maire, croyez-vous qu’ils vont me rendre ma facture et mon RIB ? »

Quartier de l’ancien coron, dans une belle demeure autrefois maison de contremaître, presque toute la famille Goscinski est assise autour de la table de la salle de séjour. Il y a là Christelle, sa belle-soeur Barbara et sa mère Chantal Arold. Toutes trois racontent avoir reçu le 30 décembre la visite de commerciaux de Poweo. Cette fois-ci, non pas une femme comme chez Valérie Florczyk, mais deux hommes qui se sont aussi présentés « comme des agents EDF ». Eux aussi ont brandi une carte avec leur photo sans laisser aux trois femmes « le temps de lire ce qu’il était inscrit dessus ». À chaque fois, les deux hommes affirment « venir contrôler que la réduction de 10 % a bien été appliquée » et exigent « pour vérifier » de se faire remettre une facture.

Barbara Goscinski accepte et se voit promettre « une baisse de 25 % ». Christelle ne peut présenter qu’un échéancier. Selon elle, les deux hommes insatisfaits réclament toujours une facture. « J’avais beau leur expliquer que je n’en avais pas, ils ne voulaient pas en démordre. Ils ont même fini par me menacer de représailles de la part d’EDF en affirmant que je devais obéir et que si je ne m’exécutais pas, je serais hors la loi. » À la fin « j’en ai eu marre, j’ai mis fin à la discussion et j’ai fermé ma porte ».

Chez Chantal Harold, où se déroule le même scénario, la discussion « tourne au vinaigre ». Chantal, qui n’est « pas du genre à se laisser marcher sur les pieds par des impolis », les a « foutus dehors ». Témoignages relatant une pratique généralisée ou des faits isolés ? Pour Poweo, que la médiatisation de l’affaire d’Houdain a contraint à communiquer, la chose est entendue. Le groupe, présidé par un des dirigeants du MEDEF, Charles Beigbeder, « ne saurait cautionner de telles pratiques » et promet que « les coupables seront sanctionnés si les faits sont avérés ». Poweo affirme « ni couvrir ni encourager » ce genre d’agissements et fait valoir que chaque client qui signe un contrat paraphe également une charte de qualité dans laquelle il reconnaît avoir contracté une offre et avoir été régulièrement informé des conséquences de son choix. En particulier celui d’avoir renoncé au tarif régulé. « Offres de marché », « tarifs régulés ou réglementés ».

Un vocabulaire abscons tant pour Valérie Florczyk que la famille Goscinski, qui avouent, l’une comme l’autre, méconnaître les conditions de l’ouverture du marché de l’électricité et du gaz. Ce qui n’étonne pas le secrétaire général de l’Indecosa CGT, Arnaud Faucon. « Il y a un vrai déficit d’information. Les choses avant étaient simples. Un seul fournisseur pour le gaz ou l’électricité et un seul tarif. Aujourd’hui plusieurs fournisseurs, plusieurs tarifs. Difficile de s’y repérer. J’ai même des exemples de personnes ayant contracté des offres auprès d’un fournisseur alternatif qui, pour le service après-vente, s’adressent de bonne foi à EDF ou GDF. Et ne comprennent pas que les services de ces deux entreprises ne puissent pas satisfaire leur demande. » « Le manque d’information, la méconnaissance par les usagers de leurs droits et de la manière dont le marché est organisé forment un terreau favorable à la multiplication des dérapages ou des abus », soutient Arnaud Faucon. Une situation qui renvoie une fois encore à la responsabilité de l’État et du gouvernement.

En juillet 2007, quand la concurrence a été autorisée pour la fourniture d’électricité et de gaz aux particuliers, l’essentiel des campagnes d’information a été le fait des seules associations de consommateurs ou d’organismes comme la Fédération nationale des collectivités concédantes du réseau. Pierre-Henri Lab

Publié dans infos quotidiennes

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F
<br /> Apparemment, ces pratiques sont communes à d'autres fournisseurs d'électricité (voir mon commentaire sur l'article concernant Direct Energie).<br /> <br /> <br />
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